Ce que disent les entrepreneurs de La SMALA
Par Sophie & Noémie, La SMALA, inspirées par les interventions d’Estelle Nicolay, Olivier de Cartier, Olivier Leclercq, Fabienne Bryskère, Randy Francart, Gaetan Herinckx, Patrick Somerhausen et Thomas Rulmont.
Et puis BAM : la stratégie se heurte au financement
Face aux ruptures d’approvisionnement, à l’inflation des matières premières, à la guerre des talents ou aux aléas climatiques, transformer son entreprise n’est plus un luxe, ni un effet de mode. C’est devenu une condition de résilience, de compétitivité et parfois même… de survie.
C’est dans ce contexte que, à La SMALA, nous accompagnons avec passion les PME existantes dans leur transformation stratégique, pour les aider à devenir “future proof” dans un monde qui bouge.
Mais au-delà de l’adaptation aux contraintes du marché, nous voyons de plus en plus de dirigeants qui s’engagent par conviction. Ils sentent que l’économie ne peut plus continuer à fonctionner comme avant. Ils veulent faire leur part, redonner du sens à leur entreprise, remettre en question certains fondamentaux et contribuer autrement.
Pour eux, travailler une stratégie de transformation, ce n’est pas seulement chercher à préserver la performance. C’est choisir un cap aligné avec leurs valeurs, oser faire autrement, et parfois même… réinventer leur métier.
Cette transformation passe souvent par :
· Un repositionnement du business model, voire de l’activité principale.
· Une refonte des structures, des rôles, des processus.
· Un travail en profondeur sur la culture d’entreprise.
· Parfois même, une remise en question d’un secteur tout entier.
Et puis… BAM. Le plafond de verre
« On a la stratégie, on a la volonté, on a même engagé les premiers pas… Et puis, BAM. La réalité financière nous rattrape. »
— Sophie Joris
Le financement arrive souvent à la fin, comme une formalité. Pourtant, c’est là que beaucoup de projets se figent. Car les outils classiques de financement ne sont pas toujours à la hauteur des ambitions de transformation durable.
Même l’impact finance, bien intentionnée, arrive parfois avec des grilles trop rigides : trop court-termistes, trop centrées sur les ratios, trop peu alignées avec la nature profonde des projets.
« Financer sa transition, ce n’est pas injecter de l’argent dans une boîte.
C’est honorer une vision. »
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Deux types d’entreprises, un même dilemme
Notre événement de ce jeudi 05 juin a rassemblé deux profils d’entrepreneurs :
· Les "Impact Natives", entreprises créées dès le départ avec une mission d’impact forte.
· Les PME existantes, souvent familiales, qui amorcent leur transformation pour devenir plus durables.
D’un côté, les Impact Natives veulent croître pour déployer leur impact. Leur mission est claire, leur produit porteur de sens, mais la croissance soulève des questions : comment grandir sans dénaturer ce qui les anime ? Comment accueillir des financeurs sans perdre le cap ?
De l’autre, les PME en transition, parfois familiales ou installées de longue date, souhaitent repenser leur activité pour la rendre plus durable. Elles savent que le changement est nécessaire, mais s’interrogent : jusqu’où transformer sans déséquilibrer ce qui existe ? Et surtout : à quel coût ?
Deux dynamiques différentes, un même point de tension : comment financer une transformation authentique, sans compromis sur l’essentiel ?
« Aujourd’hui, on va parler finances. Oui, finances. Mais ne partez pas en courant.
On ne va pas parler taux d’intérêt, lignes budgétaires ou dette court-termiste. On va parler de la finance qui palpite. Celle qui bat au rythme du cœur, pas seulement de la calculette. »
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Quand les pieds dans la finance rencontrent la tête dans la vision
1. Formaliser ses balises
Qu’il s’agisse d’impact ou de rentabilité, tout commence par un alignement. Avant d’ouvrir le capital ou de signer un crédit, il faut formuler ce que l’entreprise ne veut pas perdre.
Plusieurs partages ont convergé : la croissance n’est pas le problème, l’absence de balises l’est. « Ceux qui ont pris le temps de clarifier leur mission, leur vision, leurs lignes rouges… vivent mieux la relation avec leurs investisseurs. »
La question n’est pas “faut-il grandir ?” mais “comment ne pas se perdre en grandissant ?”.
Une bonne transformation commence par des balises claires, posées avant d’ouvrir le capital ou de signer un prêt.
2. Évaluer l’impact réel sur le modèle économique
Créer de l’impact peut parfois réduire la rentabilité à court terme. Une entreprise qui s’engage pour le vivant ou pour le social va parfois choisir délibérément d’investir plus, de produire autrement, ou de vendre différemment, avec un effet immédiat sur ses marges.
C’est là qu’émerge la notion d’EBITDA corrigé de l’impact : une manière de lire la performance qui tient compte de ces choix volontaires, faits au nom de la durabilité.
En clair : « Oui, mon résultat est moins élevé… mais parce que j’ai fait ce que je crois juste. »
Ce concept permet d’ouvrir un dialogue plus juste avec les financeurs, en montrant que certaines baisses de performance sont le fruit d’un engagement assumé — et pas d’une faiblesse.
Mais attention : l’impact ne rime pas toujours avec perte. Certains dirigeants ont témoigné d’une augmentation de leur marge grâce à leur positionnement durable. L’essentiel est donc de nommer clairement ce que l’impact change, secteur par secteur, entreprise par entreprise.
3. Traduire l’impact en indicateurs visibles
« Si on veut faire comprendre notre valeur aux financiers, il faut parler aussi leur langue. »
Quand une entreprise s’engage dans la transition, ce qu’elle transforme ne se voit pas toujours dans un tableau Excel. Un sol qui régénère, une gouvernance plus partagée, un collaborateur qui s’épanouit… Ces éléments font pourtant partie intégrante de sa performance.
C’est là qu’intervient le CARE : un modèle comptable qui élargit la définition de la richesse. Plutôt que de raisonner uniquement en profit financier, il considère trois capitaux à préserver : le capital financier, le capital humain et le capital naturel. Si l’un des trois est abîmé, l’entreprise ne peut pas être considérée comme performante.
Dit autrement : gagner de l’argent en détruisant le vivant ou en épuisant les humains n’est plus une réussite.
C’est pourquoi de plus en plus d’entrepreneurs définissent des indicateurs extra-financiers. Ils mesurent ce qui compte : le taux de rétention des équipes, l’évolution de la biodiversité locale, l’inclusion, le bien-être, la contribution au territoire… Et ils les partagent avec leurs financeurs, pour montrer que la valeur créée ne se limite pas aux marges.
« Il faut que le banquier voie ce que je vois. Que derrière les chiffres, il comprenne la richesse invisible. »
Ces indicateurs ne sont pas là pour "cocher des cases", mais pour ancrer la mission dans la stratégie, rendre lisible l’intention, et donner envie à d’autres d’y croire, d’investir, de s’engager.
« Et oui, c’est exigeant. Oui, parfois, le banquier ne comprend pas votre modèle.
Parfois, l’investisseur dit : “Vous êtes trop petits.”
Et c’est là qu’on se souvient de ce que disait le poète résistant René Char :
“Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront.” »
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4. Imaginer un capital patient, aligné, humain
« Le piège, c’est le financement qui impose des pommes… alors qu’on vient juste de planter l’arbre. » —
Quand on démarre une transformation, on pense souvent au premier financement. Mais ce qui compte tout autant, c’est la suite. Quelle trajectoire dessine-t-on ? Où va-t-on ensemble ? Jusqu’où ? Et avec qui ?
De nombreux entrepreneurs ont exprimé le besoin d’un financement patient et engagé, qui accepte l’horizon long. Pas pour éviter les exigences, mais pour permettre à la vision de mûrir, à l’impact de se concrétiser.
Ce n’est pas une opposition finance / mission. C’est une question d’alignement de temporalité, de stratégie de sortie, de raison d’être.
Ce que beaucoup cherchent, c’est une "smart money" : une alliance avec un investisseur qui pose dès le départ des questions de sens, de cap, de gouvernance. Quel est le scénario d’exit souhaité ? Est-ce une transmission ? Une reprise ? Une pérennisation du projet au sein d’un collectif ? Un impact fund prêt à rester plus longtemps au capital ? Une fondation d’actionnaires ? Ces choix structurent toute la suite.
« Il faut du courage pour dire non à un financement qui trahit votre mission.
Mais ce courage est contagieux. Il attire les bons partenaires. » —
Car c’est dans cette clarté que se construit la confiance. Un investisseur aligné ne freine pas la transformation : il la rend possible.
5. Avancer pas à pas, et accepter la temporalité
Chez les PME en transition, une question revient souvent : comment rendre le durable à la fois viable… et désirable ? « Je veux rendre mon produit plus durable… mais il sera plus cher. Qui va le payer ? »
Les entrepreneurs présents ont distingué deux réalités :
· Le durable désirable, dans des secteurs à forte valeur ajoutée ou à image positive (alimentation, textile, design), où l’engagement peut devenir un argument de vente.
· Le durable "non sexy", dans des secteurs plus techniques, moins visibles, où le surcoût n’est pas compris, ni facilement absorbé par le marché.
« Pour le durable “non désirable”, la vraie question c’est : qui finance ? Et pourquoi ? »
Dans ces cas-là, le chemin doit être pensé sur le long terme. Une transformation profonde ne se finance pas toujours d’un bloc. Elle se planifie, se séquence. Elle s’articule avec le business existant, qui peut — en partie — devenir le levier du changement.
« On ne pourra pas tout financer d’un coup. Il faut accepter d’y aller pas à pas. Et se rappeler que notre activité actuelle peut soutenir la transition si elle est bien orchestrée. »
C’est une forme de patience stratégique : accepter une transition lente mais solide, en construisant un modèle hybride entre vision long terme et contraintes court terme. Avec des partenaires capables d’accompagner cette temporalité.
6. Construire une relation adulte avec son financeur
« On veut sortir de la relation parent-enfant. Créer une relation de pair à pair. »
Une image a marqué les esprits : « Parle à ton banquier comme à ton cousin Jean-Claude. Donne-lui des nouvelles, même quand ça va moins bien. »
Cette posture permet de créer une vraie alliance – et non une domination unilatérale.
7. Structurer une gouvernance évolutive
La gouvernance n’est pas un « plus » à ajouter après la levée de fonds. Elle fait partie intégrante du chemin de transformation.
« Financer sa transition, ce n’est pas cocher une case RSE.
C’est une déclaration d’amour. Une stratégie d’âme. » —
Plusieurs entrepreneurs l’ont rappelé : il faut être bien entouré avant, pendant et après une levée de fonds ou tout autre financement structurant.
« Entoure-toi pour aller chercher de l’argent, et surtout, reste entouré après. »
Ce que beaucoup mettent en place : une gouvernance évolutive, qui démarre simplement mais solidement. Deux conseillers extérieurs, bien choisis, alignés avec la mission de l’entreprise. Pas pour valider des décisions, mais pour aider à les penser. Pas juste des CV impressionnants, mais des personnes utiles.
« Dans notre comité, on a choisi les membres en fonction des leviers d’impact. Pas juste des experts financiers. »
Cette forme de gouvernance permet de poser les bases d’un pilotage exigeant mais agile, où les enjeux d’impact sont intégrés dès le départ, et où l’on évite l’isolement du dirigeant.
Et comme pour tout dans la transition, pas besoin d’avoir tout tout de suite : une structure légère, bien pensée, peut déjà créer un cadre protecteur et porteur de sens.
« Deux personnes bien choisies autour de la table, ça peut déjà changer la trajectoire. »
Les comités d’accompagnement de la SMALA peuvent t’aider: 8. Mixer les sources de financement
Plusieurs entrepreneurs ont partagé des montages hybrides :
· Dette et capital,
· Fonds classiques et à impact,
· Public et privé,
pour permettre plus de souplesse, plus de résilience, et plus d’alignement.
Et maintenant ? Deux questions pour avancer ensemble
Existe-t-il aujourd’hui un service capable d’aider les entrepreneurs à formaliser leurs balises d’affaires et d’impact, pour construire une relation saine avec leurs financeurs ? Y a-t-il, dans le paysage actuel, un "trou dans la raquette" du financement : un type d’entreprise ou de transition qui ne trouve pas les bons outils pour avancer sereinement ? En guise de clôture… et d’ouverture
« Financer sa transition, ce n’est pas acheter un avenir. C’est l’inventer.
C’est bâtir un pont entre le réel et l’idéal, entre l’éthique et l’économique, entre l’utopie et l’expertise.
Bienvenue dans le cœur battant de l’économie de demain. Et d’aujourd’hui.
Bienvenue…à la SMALA»
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